Rares sont les entretiens avec Tetsu, celui mené par le regretté André Igual (1950-2000) à la revue trimestrielle Carton (les cahiers du dessin d’humour N° 10) en 1980 nous éclaire sur la personnalité de cet artiste.
L’article qui vient a été reconstitué à partir de cet entretien et des témoignages de ses amis illustrateurs. (Rendons par la même occasion hommage à Jacques Glénat qui au début de sa carrière d’éditeur s’intéressa de près au dessin d’humour avec Carton et Le Canard Sauvage).
Tetsu démarra à la quarantaine une carrière de dessinateur d’humour après avoir exercé tous les métiers (directeur d’une savonnerie après la guerre, puis marchand de tableau, et cuisiniste). C’est grâce à un de ses copains de lycée travaillant dans un journal qu’il devint en 1953, du jour au lendemain, dessinateur de presse.
Son premier livre « La vie est belle » publié chez Jean Jacques Pauvert présente le « vrai » Tetsu. Son thème de prédilection tourne déjà autour de la vie de couple, dans un milieu de « petits fonctionnaires, de petit homme bourgeois, de petit homme rassis, de grosse bonne femme autoritaire ».
Pour Tetsu : « L’homme passif représente l’individu, et la femme la société c’est à dire la cloche qui coiffe l’individu, qui annihile toute liberté, toute initiative ». Il traque le quotidien même dans ses dessins absurdes, l’homme est souvent seul devant son miroir.
« Quand je suis devant ma page blanche, je suis dans mon petit monde de bourgeois satisfaits d’eux-mêmes, pleins de rancoeur quand même contre la société. Ils sont très contents, ils ont leur petite voiture ; ils ont leur frigidaire (…) le comédien avale son personnage, il est habité par lui, moi je suis habité par mes personnages, quand je les dessine, je les dessine de l’intérieur ».
Sa meilleure période se situe sans doute dans les premières années, ou son humour noir et souvent sans légende était moins conditionné par le goût des lecteurs de la presse populaire (Ici-Paris, France Dimanche, Jours de France). Aidé d’un agent (l’agence Inter Monde Presse) certains dessins redistribués à la presse régionale et internationale, pouvaient être publiés une centaine de fois, et ceux sans parole sont ceux qui s’exportent (et vieillissent) le mieux.
Quand au jugement sur la diversité de sa production et de son public « Il faudrait définir le public du dessin d’humour. Sur une masse donnée, il y en a très peu qui goûte l’humour. Je ne parle pas du dessin facile, pour avoir de l’humour et le goûter il faut être revenu d’un certain nombre de choses, c’est une question de formation, de culture. »
Peu de livres mais toujours l’idée de beauté dans ses titres La vie est belle, Les belles manières et Mauvais desseins chez Buchet Chastel en 2004 Toute une vie à deux paru en 2012 au Cherche Midi.
Pour terminer, un poème de Topor à la gloire de son ami Tetsu :
Gloire à Toi
Ô Tetsu
Dont la plume ne nous a jamais déçus
Nous qui pourtant écrasons les oeufs sans pitié
Et sans craindre les coquilles
Gloire à toi
Ô Tetsu
Dont le poil reste dur même quand il est frisé
Gloire à toi
Ô Tetsu
Dont la mine reste bonne même quand elle est noire
Ah ton encre certes fait pâlir la seiche
Sèche de désespoir
En reconnaissant son calamar sur ton buvard
Gloire à toi
Ô Tetsu
Et à boire
A boire
A boire
Gomme dans le temps
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