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Rudolf Wilke 1873-1908

31 janvier 2012

Rudolf Wilke, du Jugend au Simplicissimus, douze ans pour une œuvre.

 Nous avons le plaisir de vous présenter un portrait de Rudolf Wilke dû au talent de Dominique Hérody (auteur, illustrateur et professeur à l’École des Beaux Arts d’Angoulême.) C’est sa deuxième participation à ce site après le portrait de Ralph Barton en septembre 2010. Dominique Hérody se passionne pour les artistes des années 20 et 30 et notamment les illustrateurs du Simplicissimus, nous vous invitons à visiter son blog passionnant.

En 1906, Bruno Paul quitte le dessin satirique (expression réductrice) pour se consacrer à temps complet à la conception de meubles et à la décoration dans l’esprit Jugendstil, puis à l’architecture ; il a trente-deux ans (il mourra en 1968). En 1908 Rudolf Wilke, malade, meurt à trente-cinq ans.

Avec Th. Th. Heine, son fondateur, ils incarnent l’esprit de la première période du Simplicissimus, férocement anti-wilhelminienne, avant l’épanouissment d’Olaf Gulbransson puis de Karl Arnold. Ils débutèrent cependant au Jugend, l’autre revue munichoise fondée peu avant la même année, six mois plus tard, qui entraîna le Jugendstil — et où le frère cadet de Wilke, Erich, dessina quelques années plus tard. Les deux amis se sont de toute évidence influencés l’un l’autre.

Wilke est un virtuose. Cette qualité (ce n’est pas toujours un défaut), qu’il avait en partage avec quelques-uns de ses confrères, était fondée sur de solides bases académiques acquises lors de ses études à Munich (il est pourtant originaire de Basse-Saxe) puis à l’Académie Julian à Paris à l’époque de la Revue blanche, où, se frottant à sa cosmopolite population d’étudiants, il dut découvrir Valotton, Steinlein et Forain tout autant que les dessinateurs américains en vogue (les allers-retours transatlantiques allant bon train, semble-t-il, comme le symbolisa Lyonel Feininger, son contemporain).

Ses dessins « tardifs » laissent l’impression qu’il aurait pu illustrer Mark Twain et anticiper sur Steinbeck. Emil Preetorius, auteur de la préface de la monographie parue en 1954 chez Hermann Klemm convoque Toulouse-Lautrec, Beardsley et Oberländer pour situer son ascendance immédiate.

Son dessin ne s’appuie pas de la ligne (comme chez Gulbransson et plus tard chez Arnold — ou un plus tôt chez Beardsley, artiste plus météorique encore), il n’y a rien de japonais dans son approche en cette période de japonisme triomphant. Au Simplicissimus, il renonce vite aux compositions de sa première manière au Jugend, sans perdre de son mordant, au contraire, sa nouvelle compagnie s’y prêtant davantage.

En le débauchant, Th. Th. Heine ne s’y était pas trompé. Son trait est de plus en plus vigoureux, rugueux quand il le faut, sa plume grince sans jamais perdre son exactitude, où l’équilibre se rétablit après le déséquilibre. Si chez Wilke les pieds et mains ont des rôles aussi expressifs que les visages, s’il l’affirme nettement, cela reste une des caractéristiques de sa génération.

Les tout grands dessinateurs se distinguent souvent par leur capacité à signifier les regards, et plus encore par leur façon de dessiner un personnage debout (ou assis), comment il va l’ancrer dans le sol (ou sur sa chaise), qualité qui va de pair avec l’art des attitudes et du mouvement. Rudolf Wilke excelle dans les portraits de toutes les catégories sociales qui semblent prendre la pose pour lui, avec un souci particulier pour les marginaux et les silencieux. Dominique Hérody